faire de sa transformation d’entreprise une réussite pour l’avenir.
La vie d’une entreprise n’est jamais linéaire. Si par moments, les carnets de commande se remplissent en un temps record, des événements peuvent aussi marquer un coup d’arrêt. Dans un contexte économique, politique et social particulièrement fluctuant, comment faire face ? Comment mettre en place une stratégie de gestion du capital humain juste, pérenne et réactive ? Quelles sont les solutions, autre que le licenciement, qui existent pour les entreprises ? À l’heure où toutes ces questions agitent les directions et les équipes RH, nous nous sommes entretenus avec Charles Bardon, directeur de la practice transformation chez Randstad Risesmart. Il a ainsi pu revenir sur les stratégies sociales possibles et les conditions de leur bon déploiement.
Anticiper, maître mot, pour réussir ses transformations.
Les entreprises évoluent dans un contexte toujours en mouvement ; les événements, qu’ils soient externes ou internes, impactent en effet rapidement leur activité et leur organisation. Si certains sont prévisibles, d'autres sont plus difficiles à anticiper ou dimensionner.
« Nous accompagnons les entreprises dans leur plan de transformation. Différentes raisons contextuelles peuvent les amener à se réorganiser. Il y a bien sûr des difficultés économiques mais on retrouve aussi les mutations technologiques ou sectorielles, des enjeux politiques, un rachat ou encore une fusion… Tout ceci peut induire une disparition de certains postes mais également de nouveaux besoins en compétences et métiers » détaille Charles Bardon. Et de préciser : « Un exemple de transformation profonde subie par les entreprises est celui du secteur de la “tech”. Ces entreprises ont dû énormément recruter en peu de temps et ont connu des levées de fonds importantes. Aujourd’hui les investisseurs attendent un retour sur investissement, ce qui les obligent à se réorganiser pour améliorer leur rentabilité. Elles se retrouvent donc contraintes à “réduire la voilure” et ont besoin de rééquilibrer les ressources.»
Ces situations ont toutes un point commun : la nécessaire anticipation. Prendre les devants pour faire face aux aléas, qu’ils soient positifs ou négatifs, subis ou choisis, est clé dans la vie d’une entreprise.
Des ressources de plus en plus stratégiques.
La gestion des RH a beaucoup évolué. Devenue une fonction stratégique, celle-ci est désormais pleinement intégrée dans les équipes de direction. Charles Bardon en est le premier témoin : « Les équipes RH sont plus centrales dans la vie de l’entreprise. Il faut dire que le rapport au travail a vraiment changé. Les ressources devenant rares ; recruter et fidéliser s’avèrent capital. Ce n’est pas un hasard si on parle désormais de HR business partner plutôt que de Chef du Personnel ! »
D’autant que la situation en 2023 est particulière. « C’est un contexte inédit. Pour la première fois, on sent à la fois une fragilité des entreprises, en recherche de rentabilité du fait des hausses des coûts et de l’inflation. Mais en même temps, elles conservent une activité soutenue et éprouvent des difficultés de recrutement qui vont jusqu’à mettre en danger la capacité de production. Il y a donc un vrai travail à mener pour redéployer les ressources » explique Charles.
Quand d’autres voies que le licenciement sont possibles.
Dans des moments de crispation et de tension, le risque serait de se penser contraint d’envisager un Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE). Pourtant, il existe de nombreux autres dispositifs, moins radicaux et potentiellement plus constructifs pour l’ensemble des parties prenantes.
« Le rôle de la practice transformation est d’aider les entreprises à définir, en amont, la manière dont elles vont pouvoir se positionner pour faire face à un changement » précise Charles. « Le plus important est de bien analyser tous les tenants et les aboutissants au départ : quel est l’objectif, quelles sont mes contraintes, le calendrier, quelles sont les caractéristiques de mon effectif salarié… pour trouver la meilleure articulation des véhicules juridiques existants et un projet qui permette d’atteindre les objectifs tout en préservant le climat social.» continue-t-il.
Pour construire la meilleure stratégie sociale, plusieurs solutions peuvent se combiner, selon Charles :
- “On retrouve bien sûr le PSE (Plan de Sauvegarde de l’Emploi) qui est un cadre juridique qu’on ne peut exclure, notamment lorsqu’on a des contraintes de calendrier fortes. Le PSE peut être difficile à mettre en œuvre socialement, il est très impactant pour les salariés et potentiellement très coûteux pour l’entreprise.
- La Rupture Conventionnelle Collective (RCC), qui s’appuie sur le principe de volontariat, est souvent mieux vécue. Elle est conclue dans le cadre d’un Accord majoritaire, donc négocié, et exclut tout licenciement.
- La Gestion des Emplois et Parcours Professionnels (GEPP) est un autre dispositif intéressant. Ces accords, obligatoirement négociés tous les 3 ans pour les entreprises de plus de 300 salariés, incitent à envisager la gestion des compétences de manière plus globale et sur le long terme. Elle permet de mettre en place des mesures pour accompagner le développement des compétences des collaborateurs tout en adaptant ces mesures en fonction de catégories métiers prédéfinies : les métiers dits “sensibles” amenés à évoluer, les métiers stables et les métiers en croissance. Ces accords peuvent inclure des mesures pour favoriser la mobilité interne, mais aussi la mobilité externe avec le congé de mobilité. Ils permettent d’introduire l’idée que, dans certaines circonstances, pour les métiers sensibles, les meilleures opportunités d’évolution pour un collaborateur peuvent être plutôt en externe qu’en interne.
- Enfin, l'Accord de Performance Collective (APC) est un dispositif qui permet de modifier les éléments du contrat de travail, de façon collective, et ce dans 3 domaines : l’aménagement de la durée et de l’organisation du travail, la rémunération, les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique. C’est une procédure qui n’a pas toujours été très populaire et qui a sans doute été dévoyée à son lancement. Mais, si elle est utilisée avec mesure et de manière équilibrée dans un cadre bien défini, elle peut permettre à une entreprise de passer une période difficile tout en préservant au maximum l’emploi. Pour ce dispositif, encore plus que pour les autres, la qualité du dialogue social et la qualité de la communication faite aux salariés sont essentielles. »
Mettre en place des solutions sur-mesure pour chaque population.
Dans un contexte où beaucoup d’entreprises doivent concilier activité forte et rentabilité dégradée, il est nécessaire de mener ces transformations de manière fine et ciblée. « La phase amont est indispensable pour déterminer les mesures à mettre en œuvre en fonction des catégories et des métiers. Par exemple, compte tenu du niveau d’activité et des difficultés de recrutement, il peut être nécessaire de préserver les équipes de production, alors même qu’on va envisager une réduction des effectifs au sein des services supports. Outre le choix des bons véhicules juridiques à articuler et des mesures à mettre en œuvre, nous avons alors un rôle à jouer pour intéresser les catégories ciblées sans désengager celles non concernées. »
Cette phase amont doit notamment permettre de bien analyser les caractéristiques des effectifs salariés. « Nous faisons un diagnostic au démarrage qui doit nous permettre d’identifier les bonnes mesures à mettre en œuvre en fonction des caractéristiques de l’effectif . »
Une fois l’encadrement juridique et les mesures actés, l’accompagnement individuel participe également à engager. « Dans le cadre d’une Rupture Conventionnelle Collective, nous avons un rôle d’animation pour intéresser les salariés à des projets externes et les aider par exemple à se projeter dans un nouvel avenir professionnel » aime compléter Charles. Pour cela, randstad risesmart propose des dispositifs variés comme l’organisation de webinars, d’ateliers de réflexion ou la proposition de tests de personnalités pour aller jusqu’aux bilans de compétences. Cela passe également par le retour d’expérience et des témoignages, notamment sur la création d’entreprise ou la reconversion. Cela passe également par la présentation des entreprises recrutant dans le bassin d'emploi, afin de donner une visibilité des postes disponibles sur le marché.
Un travail de communication interne
Le travail de l'équipe dédiée à l'accompagnement de la restructuration ne s’arrête pas à l’amont et la définition de la stratégie sociale. La mise en œuvre des dispositifs est en effet tout aussi importante. Au-delà de la rédaction des procédures, c’est aussi la capacité à accompagner les salariés qui compte. « Notre métier, c’est l’humain. Il est indispensable d’être à l’écoute et savoir s’adapter à la situation de chaque salarié. Nous devons expliquer le sens qu’il y a derrière ce que nous mettons en place » rappelle Charles Bardon. Ces étapes - importantes dans la vie d’une entreprise - peuvent ainsi être un bon prétexte pour partager les enjeux et la vision stratégique de l’employeur.
« Nous avons un objectif fort : celui de réussir à faire comprendre qu’une restructuration, aussi déstabilisante soit-elle, peut devenir une opportunité pour le salarié concerné. Notre volonté est de préserver le climat social et faire en sorte que tout le monde s’y retrouve ». Car évidemment, la transformation se joue aussi auprès de ceux qui restent. « Il faut veiller à la continuité » conclue-t-il.
Pour également soigner sa marque employeur.
La transformation des organisations est aussi l’occasion de soigner l’image de sa marque employeur. Si cela a longtemps été contre-intuitif, les entreprises semblent en effet de plus en plus saisir le potentiel à bien accompagner le départ ou la mutation d’un collaborateur. Le bénéfice est double. Non seulement, la réputation de l’entreprise est préservée. Mais cela aide également à maintenir un climat social positif. Grâce à des dispositifs moins subis et surtout bien amenés, il est possible de voir la transformation d’un bon œil.
« Accompagner un collaborateur dans un nouveau projet professionnel pérenne est clé. Garder le lien avec lui, c’est s’assurer une bonne réputation et une continuité dans l’entreprise. L'accompagner vers une situation professionnelle sécurisée» termine Charles Bardon.
En résumé :
Vous l’aurez compris, la transformation est un moment important dans la vie d’une entreprise. Peu importe sa taille, son secteur, son modèle : toutes les entreprises sont amenées à cette réflexion globale au cours de leur évolution ! Loin d’être une fatalité, ce moment peut au contraire se révéler être une opportunité. Pour les employeurs, c’est en effet un moment important pour bien préparer l’avenir. Pour les salariés, c’est aussi une opportunité de changer, d’évoluer voire de repenser sa vie professionnelle. Les solutions peuvent être gagnantes / gagnantes pour peu que l’on ne cède pas à la précipitation et que l’on accepte l’accompagnement.